Comment prouver la qualité d’auteur de modèles créés directement sur le mannequin ?

Nous avons vu la semaine dernière qu’il est important pour un styliste de mode de documenter son procédé de création afin de pouvoir prouver avoir créé un modèle de vêtement ou d’accessoire et de signer ses dessins et ses croquis.

Comment prouver sa qualité d’auteur si le styliste crée directement le modèle sur le mannequin, sans faire de croquis ? Un arrêt de la Cour d’appel (CA) de Paris du 26 février 2021 nous apporte des éléments de réponse.

Dans cette affaire, une styliste, MJ, avait créé en 1980, avec ses deux sœurs, une SAS, la société C., dont l’activité était la création et la vente de robes de mariées et de leurs accessoires. Les robes étaient vendues dans ses boutiques propres, par des franchisés, et par des revendeurs multi-marques.

MJ avait pris sa retraite en 2013. La société C. avait fait l’objet, l’année suivante, d’une procédure de liquidation judiciaire, suite à laquelle un plan de cession au profit la société CF avait été arrêté. Ce plan comprenait notamment la reprise des droits de propriété intellectuelle attachés aux dessins et modèles, qu’ils soient ou non déposés, ainsi que des patrons des robes créées par la société C.

MJ et ses sœurs avaient créé une nouvelle maison de couture, AE, en 2016, qui vend des robes de mariées créées par MJ. CF estima que cette activité constituait une concurrence déloyale et assigna MJ, ses sœurs, et la société AE, devant TGI de Fontainebleau, qui rejeta la demande.

MJ forma alors une demande reconventionnelle en contrefaçon de droit d’auteur sur plusieurs modèles de robes de mariées commercialisées par CF, alléguant les avoir créées après son départ de la société C. Le TGI de Paris rejeta sa demande et MJ interjeta appel.

La société CF invoqua en défense la présomption prétorienne de titularité des droits d’auteur au profit de la personne morale, selon laquelle « l’exploitation non équivoque d’une œuvre par une personne physique ou morale, sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’œuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur » (Cass. Civ. 1ère, 10 juillet 2014).

La société CF alléguait avoir exploité sans équivoque les robes de mariées en cause et qu’elle en avait acquis les droits patrimoniaux en tant que cessionnaire du fonds de commerce de la société C.  

Toutefois, la personne morale doit exploiter de façon paisible et non équivoque une œuvre de l’esprit sous son nom pour être présumée titulaire des droits d’auteur, et ce n’était pas le cas en l’espèce puisque MJ alléguait être l’auteur des robes de mariée.

La CA de Paris examina les preuves présentées par les parties afin de déterminer qui est l’auteur des modèles de robes de mariés. C’est sur ce point que l’arrêt du 26 février est intéressant, car il montre de quelle manière il est possible de prouver la qualité d’auteur de modèles créés directement sur le mannequin.  

MJ produisit devant la CA de Paris « de nombreuses attestations d’anciens salariés de la société C. ou d’intervenants extérieurs en qualité de ‘free lance’ ». Ces attestations :  

« présent[aient] MJ comme la créatrice des collections de la société C., ses plus proches collaborateurs confirmant par des propos précis et circonstanciés que celle-ci travaillait seule à la création des modèles sans établir de croquis, créant directement sur le mannequin pour établir les toiles et patronages du modèle. »

La CA de Paris releva en outre que des dessins et modèles de l’Union européenne d’autres modèles de robes de mariée, qui avaient été effectués par la société C. en mai 2013, mentionnaient MJ en qualité de créateur.

MJ a ainsi bien pu démontrer avoir créé les modèles de robe de mariées en cause, « ce quand bien même elle ne fournit au débat aucun croquis, celle-ci créant directement sur le mannequin comme en témoignent de nombreuses personnes. »

Les stylistes bénéficieront sans doute de conserver des relations avec leurs anciens collègues, et de ne pas créer les modèles toutes portes fermées…  

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 26 février 2021, 19/15130 (D20210009) – (Confirmation partielle TGI Paris, 16 mai 2019, 16/17063)

La référence de l’image est (Domaine Public).

Les stylistes de mode salariés peuvent être titulaires du droit d’auteur sur leurs créations

Un récent arrêt de la Cour de Paris devrait retenir l’attention des stylistes de mode salariés ainsi que de leurs employeurs.

Dans cette affaire, un styliste avait été embauché comme styliste accessoires en 2013 par une entreprise française de prêt-à-porter et d’accessoires féminins. Il avait, selon lui, créé en septembre 2014 « une paire de basket vintage », dessinée pour évoquer les années 80, mais avait réinterprété le modèle « en [le] déstructurant totalement pour parvenir à une forme innovante et originale. » Le modèle, appelé Slash et qui connut un grand succès, apparut pour la première fois dans la collection Printemps/Été 2015 de la société.  

Le styliste prétendait être l’auteur de ce modèle, ainsi que de son sac d’emballage et de sa semelle d’inspiration léopard. Il assigna la société en contrefaçon de droit d’auteur et de dessins et modèles, prétendant en outre que les dessins et modèles français de ces trois articles, déposés auprès de l’INPI, devaient lui être transférés. Il fut débouté de ses demandes en juin 2019 par le Tribunal de grande instance de Paris et interjeta appel. La Cour d’appel de Paris confirma l’arrêt du TGI de Paris le 5 mars 2021.

Selon la société intimée, la basket Slash avait été créée par la directrice du style, qui, selon les termes de son contrat, avait la charge de diriger l’équipe des stylistes, y compris l’appelant, dont le propre contrat spécifiait qu’il était « rattaché à la directrice du style ».

La Cour d’appel de Paris rappela tout d’abord qu’une œuvre est protégée par le droit d’auteur, sans qu’aucune formalité n’ait à être accomplie, pour peu qu’elle soit originale. L’auteur doit néanmoins rapporter « la preuve d’une création déterminée à une date certaine et (…) caractériser l’originalité de cette création ».

En l’espèce, la Cour nota qu’il n’était pas possible d’attribuer la paternité des semelles léopard au styliste, car les dessins qu’il avait produits n’étaient ni signés, ni datés. Cet arrêt nous informe que les professionnels de la mode soucieux de pouvoir prouver la paternité de leurs créations doivent avoir à cœur de dater et signer leurs dessins et croquis.

L’auteur doit également pouvoir prouver qu’il a créé l’œuvre. Dans cette affaire, la directrice du style avait témoigné qu’elle avait discuté de la basket Slash avec le styliste, tout d’abord pour échanger leurs idées sur les matières et les formes, puis, lors d’un second entretien, afin qu’elle valide le croquis du styliste. La société avait en outre produit un courriel envoyé par le styliste demandant à la directrice du style d’approuver le modèle de la boîte à chaussure, où il référait en outre à l’équipe de style qui avait « souhaité revoir la couleur des lacets etc… »

La Cour d’appel avait conclu que « l’autonomie créatrice [du styliste] [était] restreinte, puisqu’il devait obtenir l’approbation de la directrice du style et de l’équipe de style et « travaillait en collaboration avec l’équipe de style de la société et sous la subordination de sa directrice de style ». Le styliste « n’établit pas la titularité des droits d’auteur sur la basket Slash, la boîte/sac d’emballage, et la semelle léopard créées pour la collection (…) de printemps-été 2015. »

Bien que l’arrêt n’ait pas donné raison au styliste, il est tout de même intéressant à connaître pour les créateurs de mode salariés. En effet, la Cour d’appel précisa que :

« (…) l’existence d’un contrat de travail n’est pas exclusive de la protection par le droit d’auteur et le salarié est investi des droits de propriété incorporelle institués au bénéfice de l’auteur pour peu qu’il ait fait œuvre de création en conservant sa liberté et sans que les choix esthétiques opérés ne lui aient été imposés par l’employeur ».

Ainsi, un styliste salarié peut-être titulaire du droit d’auteur sur les modèles créés, si tant est qu’il a conservé sa liberté et que l’employeur ne lui a pas imposé « les choix esthétiques opérés ». Les stylistes bénéficieront sans doute de tenir un journal personnel de création et de noter les étapes qui ont abouti à la création d’un modèle, un procédé utile aux entreprises employant des stylistes salariés afin de pouvoir prouver avoir imposé leurs choix esthétiques à leurs employés.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 5 mars 2021, 19/17254 (D20210011), Michaël A c. C. des c. SAS, confirmant le jugement du 28 juin 2019 du Tribunal de grande instance de Paris, 3ème chambre, 3ème  section , RG n° 17/12374

La publicité en faveur des énergies fossiles pourrait prochainement être interdite par la loi

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée le 10 février 2021 sur le projet de loi nº 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Le Chapitre II du projet de loi propose de réguler les publicités « sur les produits et services ayant un impact sur le climat excessif ». Il pourrait être ajouté un article 581‑25‑1 au Code de l’environnement interdisant la publicité en faveur des énergies fossiles, à compter d’un an suivant l’entrée en vigueur de la future loi. Un décret en Conseil d’État devrait préciser la liste des énergies fossiles concernées ainsi que les modalités qui s’appliqueront aux énergies renouvelables incorporées aux énergies fossiles.

Ce décret en Conseil d’État devra néanmoins tenir compte « des exigences d’un bon accès du public, en particulier les personnes ayant un revenu modeste, à l’information relative au prix des énergies concernées, ainsi que des obligation légales ou règlementaires qui s’imposent aux fournisseurs et distributeurs de ces énergies. » Le gouvernement semble se souvenir que le mouvement des « Gilets Jaunes » avait en partie été inspiré par la hausse du prix du carburant.

Le non-respect de ces nouvelles dispositions pourrait être puni d’une amende de 30 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale. Ces amendes pourraient être portées au double en cas de récidive.

L’article 14 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication serait ainsi complété :

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel promeut en outre, en matière environnementale, des codes de bonne conduite ayant notamment pour objet de réduire de manière significative les communications commerciales audiovisuelles relatives à des biens et services ayant un impact négatif sur l’environnement, en particulier au regard de leur empreinte carbone, des émissions de gaz à effet de serre qu’ils génèrent et de leur participation à la déforestation. Ces codes visent également à prévenir des communications commerciales audiovisuelles présentant favorablement l’impact environnemental de ces biens ou services. »

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel serait ainsi en charge de produire des codes de bonne conduite, une « soft law » permettant aux annonceurs de mettre en place des bonnes pratiques.

Le Conseil d’État a publié son avis sur le projet de loi le 4 février dernier. Il note que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la publicité désigne « tout moyen d’information destiné à  permettre  au  client  potentiel  de  se  faire  une  opinion  sur  les  caractéristiques  des  biens  ou services qui lui sont proposés » et qu’ « [à] ce  titre,  toute  restriction  qui  est  apportée  à  la  publicité  est  susceptible  de  porter atteinte à la liberté d’entreprendre, au droit de propriété ainsi qu’à la liberté d’expression et de constituer une entrave à la libre circulation des marchandises ou à la libre prestation de services. »

Le Conseil d’État souligne que des restrictions peuvent néanmoins être apportées à la publicité par le droit, citant, en particulier, la décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme et la décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016 sur la loi de modernisation de notre système de santé. En outre, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes, fait de la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, un objectif de valeur constitutionnelle. À ce titre, un autre principe de valeur constitutionnelle, la liberté d’entreprendre découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, peut être limitée.

Le Conseil d’État note, en outre, que « la France est tenue par des engagements précis en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pris notamment dans le cadre de l’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, et déclinés en objectifs chiffrés contraignants édictés au niveau de l’Union européenne ». Il en déduit que le nécessaire respect de ces engagements peut justifier des mesures « tendant à restreindre ou à interdire la publicité pour des biens ou des produits fortement consommateurs d’énergies fossiles, voire pour la consommation de telles énergies ».

Le Conseil d’État regrette, cependant, que le projet de loi énonce un principe général d’interdiction de « la publicité  en  faveur  des  énergies  fossiles », mais confie au pouvoir règlementaire le soin d’en définir son champ d’application, sans préciser « le  périmètre  ou  les  effets  attendus  des  mesures » , alors que l’étude d’impact indique simplement seront visés « l’essence, le gaz, les stations-services, les produits pétroliers, etc ». Le Conseil d’État n’a ainsi pu disposer d’éléments lui permettant de préciser le champ de l’interdiction envisagée par le projet de loi.

Le Conseil d’État souligne que le projet de loi utilise une « expression très générale » qui « ne permet pas de savoir si l’interdiction vise uniquement des publicités directes pour une source d’énergie, n’incluant pas de référence à un produit utilisant l’énergie, ou si elle concerne aussi des publicités se référant à la fois à une énergie et à un produit consommateur d’énergie ».  Il estime que si la loi pourrait être entachée d’incompétence négative si elle ne désigne pas quels sont les modes de publicité et les biens et énergies visés par une mesure d’interdiction. En outre, la loi prévoit des sanctions pénales, et son manque de précision pourrait porter attente au principe de légalité des délits et des peines.

C’est pourquoi le Conseil d’Etat ne peut retenir ces dispositions. Les prochains débats à l’Assemblée Nationale seront l’occasion de voir de quelle manière les députés entendent modifier le projet de loi en tenant compte de l’avis du Conseil d’Etat.

 

Le Conseil d’État rappelle que les opinions qui choquent sont protégées par la liberté d’expression

Le 2 février 2017, au cours de sa chronique sur RTL Matin, On n’est pas forcément d’accord, Éric Zemmour avait tenu des propos qui avaient attiré l’attention du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA).

L’animateur avait salué la nomination par Donald Trump de Neil Gorsuch à la Cour Suprême des États-Unis et avait argumenté que le nouveau juge allait mettre fin à la pratique de la Cour suprême de « tordre le texte de la Constitution américaine pour lui faire dire ce qu’elle ne disait pas ». Zemmour reprochait à la Cour suprême d’avoir « imposé leur idéologie progressiste au peuple américain (…),  ce putsch judiciaire (…) qui s’appelle non-discrimination ».

L’animateur avait continué en reprochant à la Cour européenne des droits de l’homme, au Conseil constitutionnel et au Conseil d’État d’avoir « fait exactement la même chose que la Cour suprême. Le même putsch judiciaire, le même fétichisme de la non-discrimination, la même déclaration des droits de l’homme tordue dans tous les sens».

RTL est une radio privée et doit par conséquent passer une convention avec le CSA, au nom de l’État, en vertu de l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986.

L’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 donne en outre au CSA le pouvoir de mettre en demeure « les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 ».

L’assemblée plénière du CSA avait rendu une décision le 14 juin 2017, qui avait mis en demeure RTL radio de respecter les stipulations de la convention passée avec le CSA.

Le CSA, selon les termes de son communiqué, considéra

« que la gravité et le caractère provocateur des propos tenus par le chroniqueur, qui constituent un éloge de la discrimination et la critique de toutes les institutions judiciaires qui contribuent à lutter contre celles-ci, alors que ces propos n’ont fait l’objet d’aucune contradiction ni mise en perspective à l’antenne, constituaient un manquement caractérisé aux stipulations de la convention de RTL. Celles-ci précisent en effet que l’éditeur doit en effet veiller à promouvoir les valeurs d’intégration et de solidarité qui sont celles de la République et contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations. »

RTL demanda au Conseil d’État d’annuler la décision pour excès de pouvoir, et, par une décision du 15 octobre 2018, le Conseil d’État annula la décision du CSA.

Le Conseil d’État cita tout d’abord l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, selon lequel :

« La communication au public par voie électronique est libre. L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la protection de l’enfance et de l’adolescence, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle ».

Le CSA avait considéré que la radio s’était bien engagée par la convention conclue le 2 octobre 2012 entre CLT-UFA, la société éditrice de RTL, et le CSA, de « veiller à promouvoir les valeurs d’intégration et de solidarité qui sont celles de la République (…) [et à contribuer] aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations ».

Mais, pour le Conseil d’État, si le principe d’égalité devant la loi interdit bien les discriminations, et si la radio s’était bien engagée par convention à promouvoir ces valeurs républicaines et à contribuer à la lutte contre la discrimination, il n’en demeure pas moins que ces obligations doivent « se combiner avec le principe de la liberté de communication des pensées et des opinons » qui est consacré et protégé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, à valeur constitutionnelle, et qui est rappelé par l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986.

Le Conseil d’État rappela enfin que Zemmour s’était exprimé durant une émission de trois minutes, qui invite des chroniqueurs aux opinions diverses et  dont le titre même « On n’est pas forcément d’accord », « invite les auditeurs à ne la recevoir qu’en tenant compte de son caractère polémique ».

Cette décision du Conseil d’État n’est pas surprenante puisque la liberté d’expression doit, selon les termes de la Cour européenne des droits de l’homme, protéger les informations et les opinions « qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population » (CEDH, Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976).

Les gravures de 1752 de la Place Vendôme et le Conseil d’État

Le Conseil d’État, statuant au contentieux, a décidé le 4 octobre dernier que lorsque l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation de travaux sur un immeuble classé monument historique, elle doit apprécier le projet soumis « non au regard de l’état de l’immeuble à la date de son classement, mais au regard de l’intérêt public, au point de vue de l’histoire ou de l’art, qui justifie cette demande de conservation ». Société Edilys c. Ministère de la Culture, n° 410590.

Un peu d’histoire

La place Vendôme, alors appelée place Louis-Le-Grand, a été édifiée entre 1689 et 1702 sur commande de Louis XIV. Jules Hardouin-Mansart, l’architecte qui créa, entre autres, la galerie des glaces du château de Versailles, en établit les plans.

Hotêle Villemaré Place Vendôme in Paris

Façade de l’Hôtel de Villemaré au 9 Place Vendôme à Paris

Cette place, dont l’homogénéité et l’unité en font la beauté, subit dès le XVIIIème, mais surtout au cours des XIXème et XXème siècles, des transformations qui en modifièrent le plan original. Nous savons encore précisément quel était ce plan original grâce aux gravures réalisées en 1752 par Jean-François Blondel qui nous donnent une description précise de la place à la date de son complet achèvement.

La place Vendôme a été classée monument historique en 1862 et elle est désormais célèbre dans le monde entier pour ses boutiques de joaillerie.

Les travaux de rénovation de l’Hôtel de Villemaré, classé monument historique

Une société titulaire d’un fonds de commerce occupant l’Hôtel de Villemaré, au 9, Place Vendôme, souhaitait effectuer des travaux de rénovation afin d’abaisser les allèges des vitrines de sa boutique.

Selon l’alinéa 1 de l’article L. 621-9 du code du patrimoine: « L’immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l’autorité administrative ».  

Il fallait par conséquent obtenir une autorisation de travaux. Le préfet de Paris rejeta cette demande en estimant que la bonne conservation de l’immeuble devait s’apprécier au regard des gravures de 1752. Le tribunal administratif de Paris rejeta la demande d’annulation de cette décision, notant que « le project de rabaisser les allèges porte atteinte à la présentation de l’immeuble et à l’ordonnancement de la place Vendôme due à Jules Hardouin-Mansart, selon les gravures de Jean-François Blondel de 1752». La société avait fait appel.

La « cristallisation » de la place Vendôme : 1752 ou bien 1862 ?

La société argumentait que l’allège des fenêtres de l’hôtel était en 1862, l’année où l’hôtel avait été classé monument historique, d’une hauteur conforme à celle envisagée dans sa demande d’autorisation de travaux.

Mais la Cour administrative d’appel de Paris avait noté que la « hauteur actuelle des allèges de l’hôtel de Villemaré résultent de travaux de réhabilitation et de restauration de sa façade effectués dans le cadre d’un précédent permis de construire accordé en 2006 afin de redonner aux baies la dimension qu’elles avaient au XVIIIème siècle, ainsi que cela est d’ailleurs notamment attesté par une planche de Jean-François Blondel ».

L’architecture de la place Vendôme avait été ainsi « cristallisée », selon la cour d’appel, à la date de 1752, l’année de la publication des gravures de Blondel.

Pour le Conseil d’État, la cour administrative d’appel avait pu souverainement apprécier que l’ordonnancement de la place pouvait s’apprécier au regard des gravures de 1752.

Le Conseil d’État nota en outre que lorsque que l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation au titre du premier alinéa de l’article L. 621-9 du code du patrimoine, elle doit apprécier le projet soumis « non au regard de l’état de l’immeuble à la date de son classement, mais au regard de l’intérêt public, au point de vue de l’histoire ou de l’art, qui justifie cette demande de conservation ».

La cour d’appel n’avait par conséquent pas commis d’erreur de droit en appréciant la configuration de la place Vendôme à la date de publication des gravures et non à celle de son classement.

Image courtesy of Zoya Bragina under a CC BY-SA 3.0 license.

Est-il possible de protéger un élément décoratif d’un sac ?

Un récent arrêt de la cour d’appel de Paris, CA Paris, Pôle 5, ch.2, 22 septembre 2017, n°16/14152, montre les difficultés que peuvent rencontrer les entreprises de mode souhaitant protéger leurs créations par le droit des marques, en particulier si elles ne peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur.

La société Balenciaga avait poursuivi pour contrefaçon de droit d’auteur et de marque une société de distribution de produits de maroquinerie qui avait importé en France des sacs, retenus en douane pour contrefaçon de sacs Balenciaga.

Une poche ornementale orne les sacs Balenciaga ‘Baby Daim’,‘Classic Sunday’ et ‘Classic Tool’. Cet empiècement avait été apposé pour la première fois sur le sac ‘First’, créé en août 2001 par Nicolas Ghesquière, alors directeur artistique de Balenciaga, modèle qui fut ensuite décliné dans une gamme de sacs portant tous cet empiècement.

Balenciaga avait enregistré en 2013 cet empiècement en classe 18 en tant que marque figurative, décrite comme « constituée d’une poche ornementale comprenant une fermeture éclair, une lanière et une seconde pièce intérieure revêtue de deux rivets, ainsi que de deux pièces aux extrémités droite et gauche, comprenant chacune une boucle et deux rivets ».

Le tribunal de grande instance de Paris avait déclaré le 23 juin 2016 les demandes de Balenciaga au titre du droit d’auteur irrecevables et avait en outre annulé la marque figurative pour défaut de distinctivité. Balenciaga avait interjeté appel.

La cour d’appel reconnut bien que les sacs ‘Baby Daim’ et ‘Revers’ sont protégés par le droit d’auteur car la combinaison de leurs éléments, tels que décrits par Balenciaga, le choix des éléments de la poche, ainsi que leur positionnement sur cette poche, étaient des choix purement arbitraires, relevant d’un parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur et étaient par conséquent protégés par le droit d’auteur.

Tel n’est pas toujours le cas pour les sacs. La cour d’appel de Paris avait ainsi refusé, le 29 novembre 2016, CA Paris, Pôle 5, ch.1re, 29 novembre 2017, n°15/08734, la protection du droit à un modèle de sac dont les caractéristiques revendiquées par l’auteur, telles sa forme rigide matérialisée par ses côtés de forme quasi-rectangulaire et son système de fermeture à baguettes rectangulaires, « existaient déjà, isolées ou combinées entre elles, dans l’art antérieur et leur combinaison, banale » et qu’ainsi ne procédaient d’aucun apport créatif.

La Cour d’appel n’apprécia pas si les sacs ‘Classic Sunday’ et ‘Classic Tool’ étaient bien originaux car Balenciaga n’avait pas démontré leur divulgation. Rappelons que l’auteur d’une œuvre ne peut être qu’une personne physique, et qu’il est présumé que l’auteur est celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée. Mais l’exploitation de l’œuvre par une personne morale, sous son nom, fait présumer qu’elle est en l’auteur à l’égard des tiers recherchés en contrefaçon, à moins que la qualité d’auteur ne soit revendiquée par des tiers, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

La cour d’appel ne reconnut pas toutefois que les sacs importés et saisis en douane contrevenaient au droit d’auteur de Balenciaga car ils ne donnent pas une impression visuelle identique. La cour d’appel ne reconnut pas non plus que Balenciaga était investi des droits d’auteur sur l’empiècement de ces sacs car il n’en est qu’un élément ornemental et ne pouvait être distingué des sacs eux-mêmes comme œuvre propre.

Balenciaga avait enregistré cet empiècement comme marque figurative en France, mais la cour d’appel de Paris confirma l’annulation de la marque, car elle est dépourvue de caractère distinctif et qu’ainsi ne peut permettre aux consommateurs de distinguer l’origine du produit. L’empiècement a «  un caractère purement fonctionnel et décoratif » mais n’a jamais rempli de fonction de marque. Cet empiècement est toujours protégé comme marque aux Etats-Unis.

Does a French copyright smell anything?

The FIAC, the international fair of contemporary art, took place in october in Paris. Its visitors were able to visit a glass cube, the OSNI, placed on top of the Pavilion of the Palais de Tokyo. OSNI stands for Objet Sentant Non Identifié, ‘Unidentified Scented Object’ and was created by Mathilde Laurent, a perfumer for Cartier, along with Munich climate engineers Transsolar.

Visitors entering the cube were able to go up a staircase through a cloud of the Cartier L’Envol (The Flight) perfume. The cloud is clearly seen to viewers outside OSNI. The fact that the perfume can be seen is as important as it can be smelled.

This installation led French magazine Télérama to ask the question: can perfume be a work of art? Modernist called it “[a] true olfactory and immersive artistic work that presents a completely new way of using smell as a medium of creation.

Wallpaper quotes Mathilde Laurent as saying “I’m not an artist…but…I feel that to create a piece like this is our duty as a house because it’s important that we sustain olfactory art like all others.”

Could OSNI be a work of art? Is there such thing as olfactory art?

Perfume is not protected by French copyright.

Even though article L.112-1 of the Intellectual Property Code clearly provides that its provisions “ protect the rights of authors on all works of the mind, regardless of genre, form of expression, merit or destination,” perfumes are not protected by French copyright, the droit d’auteur. The Cour de Cassation, France’s highest civil court, ruled in 2008 that “the fragrance of a perfume, which proceeds from the simple implementation of a know-how, does not constitute the creation of a form of expression that can benefit from the protection of copyright”. Therefore, L’Envol is not protected by copyright.

However, OSNI is way more than a perfume. It is an art installation, with which visitors are interacting.

Does France protect performance art?

OSNI’s visitors were able to go up and down the staircase inside the cube, and were seen from outside. Were they part of the performance? Were their reactions to the scented air part of the performance?

France recognizes that an artistic performance may be protected, not by copyright law, however, but by the right in one’s image. Reproductions of an artistic performance, such as photographs taken of it, are, however, protected by the droit d’auteur. In that case the performance artist and the photographer are co-authors, Paris Court of Appeals, 4th Chamber B, December 3, 2004.

Is the perfume an element of the protected work, the cube?

If perfume can not be protected as a scent, could it be protected as a work of art? The perfume is clearly seen here, and can be smelled only if one is inside OSNI. Viewers from outside cannot smell it, but they can see the way the cloud of perfume moves inside the cube.

The cube can be considered a sculpture, and, as such, protected by the droit d’auteur. The scent is part of it and thus protected as an element of the sculpture, but still does not gain individual protection. However, one could imagine that if Cartier were to sell OSNI to an art collector, who would then replace the scent with the one of his favorite aftershave, this would be copyright and droit moral infringement, and would conjure the issue of whether perfume is protected by the droit d’auteur out of the (crystal) bottle.

This post was first published on the 1709 Blog.

L’agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l’expiration du précédent a droit à une indemnité compensatrice.

L’agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l’expiration du précédent n’a pas l’initiative de la cessation du contrat au sens de l’article L. 134-13 du code de commerce, et il n’est par conséquent  pas privé du droit à indemnité prévu par l’article L. 134-12 du code de commerce. Voici ce qu’il faut retenir de l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 21 juin 2017.

La société E. avait conclu plusieurs contrats successifs de distribution à durée déterminée avec la société de diffusion S. Ces contrats d’agence commerciale vinrent à échéance le 31 décembre 2011 et le mandant E. notifia à son agent commercial S. qu’elle ne renouvellerait pas ces contrats. Les deux parties engagèrent alors des négociations en vue de la conclusion d’un nouveau contrat devant remplacer les contrats de distribution, mais elles ne purent aboutir à un accord.

S.demanda alors à E. de lui payer une indemnité de rupture. E. refusa. S. saisit le Tribunal de commerce de Paris qui débouta S. de sa demande de versement par E. de l’indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de cette cessation, indemnité prévue à l’article L 134-12 du code de commerce. S. interjeta appel. La Cour d’appel de Paris confirma le 17 décembre 2015 le jugement du Tribunal de commerce et S. se pourvu en cassation.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, cassa partiellement le 21 juin 2017 l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, en son rejet de la demande d’indemnité de cessation de contrat, au motif que l’agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l’expiration du précédent n’a pas l’initiative de la cessation du contrat et il n’est par conséquent  pas privé du droit à indemnité.

Le contrat d’agence commerciale

L’article L. 134-4 du Code de commerce dispose que « Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties ». 

Selon la Cour d’appel de Paris, « l’intérêt commun qui caractérise le mandat d’agent commercial implique qu’il ne peut pas être révoqué pour des motifs économiques qui seraient propres au mandant ». Le mandant peut toutefois se réorganiser en fonction des évolutions économiques de son secteur économique, ce qui était le cas en l’espèce selon la Cour d’appel.  

La rupture du contrat d’agence commerciale

Mais selon S., le contrat avait bel et bien été rompu, ce qui lui donnait droit, selon elle, à  une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi en raison de la cessation de ses relations avec le mandant, selon les dispositions de l’article L. 134-12 du code de commerce.

Pour la société de diffusion, E. avait résilié en connaissance de cause les contrats d’agents commerciaux qui les liaient et avait abusivement provoqué la cessation de la relation contractuelle. E. affirmait qu’elle n’avait pas eu l’intention de rompre la relation d’agence commerciale et qu’au contraire, S. avait brutalement mis fin aux pourparlers en vue du renouvellement des contrats.

Selon les dispositions de l’article L. 134-13 du Code de commerce, l’indemnité compensatrice prévue  par l’article L. 134-12 n’est pas due si la cessation du contrat résulte de l’initiative de l’agent.

Selon la Cour d’appel de Paris, les dispositions de l’article L. 134-12 du code de commerce ne s’appliquaient pas en l’espèce puisqu’elles « visent la cessation des relations entre le mandant et son agent et non le contrat de sorte qu’en présence d’un contrat venu à son terme, son renouvellement, fût-ce sur des bases nouvelles, exclut le droit à commission. »  La Cour d’appel considéra en effet qu’en l’espèce « les parties se trouvaient dans une situation de renouvellement des contrats en cours, dont le principe a été accepté par chacune d’elles de sorte que la société S. ne saurait se prévaloir de la résiliation des contrats précédents sauf à démontrer la mauvaise foi de la société E. »

Mais pour la Cour de cassation, l’agent commercial qui refuse de conclure un nouveau contrat à l’expiration du précédent n’a pas l’initiative de la cessation du contrat au sens de l’article L. 134-13 du code de commerce, et il n’est par conséquent  pas privé du droit à indemnité prévu par l’article L. 134-12 du code de commerce.

La rémunération d’un gérant d’une société à responsabilité limitée est due tant qu’aucune décision la révoquant n’est intervenue.

Un associé et co-gérant d’une  société d’exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) de médecins avait cédé ses parts en septembre 2006 à la Selarl et cessé son activité médicale dans cette Selarl. Notons qu’une Selarl est une Sarl (société à responsabilité limitée). L’ancien associé assigna la Selarl en paiement des indemnités de gérance perçues par ses coassociés en janvier et février 2006, soit 8.000 euros chacun. La Selarl fut condamnée par le tribunal de grande instance de Brest à payer 12.000 euros à l’ancien associé, qui fut néanmoins débouté de sa demande de prise en charge des cotisations sociales pour la même période.

Il interjeta appel devant la Cour d’appel de Rennes, qui débouta l’ancien associé de sa demande en paiement de la somme de 12.000 € pour ses indemnités de cogérant de janvier et février 2006 et de sa demande de prise en charge des indemnités de sécurité sociale pour la même période.

L’ancien associé se pourvu en cassation.

Demande en paiement des indemnités de cogérant

Pour déclarer sa demande irrecevable, la Selarl avait opposé à son ancien associé un protocole d’accord valant transaction rédigé par acte sous seing privé en date du 24 juillet 2006, mais la Cour d’appel le déclara irrecevable parce que l’ancien associé ne l’avait pas signé. En revanche, il avait bien cédé à la Selarl, par acte sous seing privé en date du 14 septembre 2006, ses parts sociales pour 62.652,00 euros, somme qui lui avait été payé comptant.

Cour d’appel : la rénumération supérieure des coassociés est justifiée par le surcroit de travail

L’assemblée générale ordinaire des associés avait fixé la rémunération de gérance à 6.000 euros par mois, mais les autres médecins cogérants avaient perçu une rémunération supérieure à celle de l’ancien associé, 8.000 euros. La Cour d’appel nota que ce montant supérieur correspondait au surcroît d’activité auquel les autres gérants avaient dû faire face alors que l’ancien associé était en arrêt maladie durant cette période. La Cour d’appel avait noté que « l’indemnité due au cogérant ne peut correspondre qu’à un travail fourni au profit de la Selarl par l’associé cogérant, ce que ne peut manifestement pas faire l’associé absent pour maladie, sauf à lui de justifier que pendant celle-ci il a été en mesure de maintenir sa fonction de gérant auprès de la Selarl » et avait infirmé le jugement du TGI qui lui avait alloué 12.000 euros pour les indemnités de gérant non perçues durant les mois de janvier et février 2006.

Cour de cassation : la rénumération des gérants d’une SARL est due tant qu’aucune décision la révoquant n’est intervenue

Mais la Chambre commerciale de la Cour de cassation cassa l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes le 21 juin 2017, au visa de l’article L. 223-18 du code de commerce qui énumère les droits et les obligations des gérants de Sarl, sans toutefois mentionner la rémunération des gérants.

La Haute Cour pose le principe que «la société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques, associées ou non, dont la rémunération, fixée soit par les statuts soit par une décision collective des associés, est due tant qu’aucune décision la révoquant n’est intervenue. »  Dès lors, la Cour d’appel ne pouvait pas rejeter la demande en paiement de l’ancien associé au motif que celui-ci n’aurait pu accomplir son travail de gérant puisque l’assemblée générale ordinaire des associés avait bien fixé la rémunération de gérance, y compris celle de l’ancien associé, à 6 000 euros par mois, sans qu’aucune décision ne révoque cette rémunération due à l’associé.

France : l’autorité de régulation professionnelle de la publicité et le marketing par les influenceurs

L’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a ajouté à la grille de lecture de sa Recommandation Communication Publicitaire Digitale un point consacré à la communication des influenceurs lorsqu’elle fait l’objet de collaboration avec une marque.

L’ARPP définit un ‘influenceur’ comme « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie. »

Il s’agit, par exemple, des utilisateurs de réseaux sociaux, Instagram et YouTube en particulier, qui utilisent leur notoriété digitale afin de promouvoir des produits ou des services. Ceci est légal si l’influenceur exprime son opinion personnelle, sans être énuméré ou recevoir des produits ou des services gratuits de la marque en échange de commentaires élogieux. 

Si l’influenceur agit en collaboration commerciale avec une marque, le public doit être en être informé, selon l’ARPP.

L’ARPP considère qu’une collaboration entre un influenceur et un annonceur est publicitaire si ces conditions sont cumulativement réunies :

–          Le contenu est réalisé dans le cadre d’engagements réciproques ;

–          L’influenceur est compensé pour s’exprimer, par paiement ou par toute autre contrepartie telle des services ou des produits gratuits ;

–          « Lorsque l’annonceur ou ses représentants exercent un contrôle éditorial prépondérant (notamment en imposant un discours, un scénario…) et une validation du contenu avant sa publication » ; et si

–          La communication de l’influenceur « vise à la promotion du produit ou du service ».

Si ces conditions sont cumulativement remplies, la communication de l’influenceur doit être identifiée en tant que communication commerciale,  de manière explicite et instantanée. Cela peut être fait par tout moyen,  oralement, par l’influenceur, ou bien  dans le texte accompagnant le contenu, ou encore au moyen d’une mention dans la vidéo, peu importe, dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public, quel que soit son moyen d’accès à la communication .