La Cour de cassation fait primer le droit à l’information sur le droit à l’image

Nous avons vu la semaine dernière que la première chambre civile de la Cour de cassation a récemment fait primer le droit à l’information sur le droit à la vie privée d’un homme politique. Elle rendit également le même jour, le 9avril 2015, un arrêt de rejet qui fait primer le droit à être informé sur le droit à l’image.

Les faits étaient les suivants. M.X avait accordé à M.Y un entretien, filmé à son domicile. M. Y réalisait un documentaire intitulé « La vérité est ailleurs ou la véritable histoire des protocoles des sages de Sion », coproduit par Doc en Stock et par la chaîne de télévision Arte. Elle souhaitait connaître la position de M.X sur l’ouvrage intitulé « Protocoles des Sages de Sion », qui avait été publié dans la revue qu’il dirige. Rappelons que cet ouvrage est un faux, publié par la police secrète russe au début du XXème siècle afin de faire accroire à un complot juif pour prendre contrôle du monde. Ce livre avait trouvé son public chez les antisémitiques, dont Adolf Hitler, qui y fait référence dans Mein Kampf. En France, certains négationnistes tiennent d’ailleurs encore ce document comme authentique. C’est en raison de cette polémique que M.Y avait souhaité interroger M.X.

M.X avait signé une « lettre d’autorisation d’utilisation d’image », datée du 18 juillet 2007, selon laquelle aucune prise de vue de l’entretien entre M.X et M.Y ne pouvait  être diffusée sans que M.X ne la visualise préalablement. Une minute de l’entretien entre M.X et M. Y avait finalement été insérée dans le documentaire de cinquante deux minutes, qui avait été diffusé par Arte sans que M.Y ne le visionne préalablement.5613865198_73c31bb64f_z

Selon M.X, ce manquement constituait un manque de respect de son droit à l’image et il porta l’affaire en justice, afin de demander réparation à Arte France et à Doc en Stock du préjudice subi en raison du non-respect de son droit à l’image. Le 8 novembre 2012, la Cour d’appel de Versailles débouta M.X de sa demande de réparation. La Cour d’appel avait bien relevé qu’il n’avait pas été donné à M.X l’opportunité de visionner le documentaire avant sa diffusion, mais avait néanmoins conclu que le droit à l’image de M.X n’avait subi aucune atteinte, parce que M.X  était intervenu dans un débat d’idées d’intérêt général, la remise en cause de l’inauthenticité des« Protocoles des Sages de Sion ». La cour releva également que M.X. n’avait pas été filmé à son insu et qu’il avait accepté de répondre aux questions de M.Y destinées à faire connaître sa position sur les « Protocoles des Sages de Sion ».

M.X se pourvut en cassation mais la haute Cour rejeta son pourvoi. Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel avait « exactement déduit que l’implication de M.X…dans ce débat justifiait d’illustrer son témoignage par la diffusion de son image, qui n’avait pas été détournée du contexte dans laquelle elle avait été fixée, sans qu’il y ait lieu de recueillir son autorisation et peu important, dès lors, que les stipulations de la « lettre d’autorisation d’utilisation d’image » aient été méconnues ».

Le droit à l’image s’incline devant le droit à l’information  

Le droit à l’image patrimonial, comme le droit à l’image extrapatrimonial, se sont inclinés dans cette affaire devant le droit à l’information. En effet, le droit au respect de l’image est à la fois un droit de la personnalité, c’est-à-dire un droit extra patrimonial, et un droit patrimonial, bien qu’issu de l’interprétation par les juges de l’article 9 du Code civil, selon lequel « [c]hacun a droit au respect de sa vie privée », qui considère la vie privée comme un droit de la personnalité, sinon un droit de l’homme.

Mais le droit à l’image peut effectivement faire l’objet d’un contrat tel que celui signé par M.X. Celui-ci avait argumenté devant la Cour de cassation que seul l’article 9 du code civil est applicable en matière de cession du droit à l’image, à l’exclusion notamment du code de la propriété intellectuelle. Il semble que M.X. souhaitait ainsi que la « lettre d’autorisation d’utilisation d’image » ne soit pas considérée comme un contrat patrimonial, mais comme une convention extrapatrimoniale, dont la violation constituerait de facto une violation de sa vie privée. Il ajoutait pourtant que la cession du droit à l’image est une convention relevant de la liberté intellectuelle, qui définit les conditions et les limites de l’autorisation d’exploitation de l’image, et qui détermine l’éventuelle rémunération pour l’utilisation de celle-ci, souhaitant ainsi probablement se réserver le droit d’invoquer la violation de son droit patrimonial à l’exploitation de son image.

La nature de la convention et du droit à l’image, patrimonial, ou extrapatrimonial, n’eût finalement pas à être évoquée par la Cour de cassation, qui fit, plus simplement, primer le droit à l’information sur la liberté contractuelle, sans, toutefois, évoquer directement ce droit à l’information, mais en relevant que M.X avait été interrogé par M.Y dans le cadre d’un débat d’intérêt général. La Haute Cour nota que M.X n’avait pas été filmé à son insu, ce qui aurait été une violation e sa vie privée: la « lettre d’autorisation d’utilisation d’image » le démontre. Bien que les termes de du contrat n’aient pas été respectés par M.Y, M.X n’est tout de même pas fondé à invoquer la violation de son droit à l’image, puisqu’il avait consenti à être filmé dans le cadre d’un débat d’intérêt général.

Image courtesy of Flickr user Pascal, public domain

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