Est-ce que le Dropshipping est Légal ? Quelques Éléments de Réponse…

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a lancé le 5 mai dernier une campagne de sensibilisation des consommateurs et des professionnels « sur les arnaques de plus en plus nombreuses relevées dans le secteur du dropshipping ».

Le Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire incita par un tweet les consommateurs à signaler sur le site Signal Conso du gouvernement « toutes les arnaques au #dropshipping » dont ils ont été victimes.

Qu’est que le dropshipping ?

La pratique du dropshipping s’est développée ses dernières années. Il est facile de créer automatiquement, en quelques minutes, grâce à des sites dédiés, un site e-commerce vendant des produits en utilisant le système de vente du dropshipping. Cet engouement permet en outre de vendre des formations en ligne au dropshipping, qui peuvent se révéler plus rentables que la vente des produits…  

Le dropshipping est une méthode de vente à distance où le commerçant en ligne ne possède pas de stocks. Le consommateur passe une commande sur le site web d’un e-commerçant, celui-ci encaisse le montant de la commande, puis la transmet au fournisseur, qui se charge de livrer le produit. Le vendeur ne se charge que du site et de sa promotion.

Le dropshipping est légal, mais…

Si la pratique du dropshipping n’est pas en soi illégale, les pratiques commerciales de l’e-commerçant ne doivent pas être déloyales, trompeuses ou agressives.

Une pratique commerciale est déloyale si elle susceptible d’amener le consommateur à décider d’acheter un produit ou un service alors qu’il n’aurait pas pris cette décision autrement.

Selon l’article L.121-2 du Code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse si elle « crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ». Ainsi, le nom de domaine d’un site de dropshipping, comme pour tout autre site, ne doit pas créer de confusion dans l’esprit des consommateurs. Cela serait le cas si le nom de domaine incorpore la marque d’un tiers ou y ressemble au point de créer une confusion dans l’esprit des internautes.

Le site de dropshipping doit contenir certaines informations, sans lesquelles l’invitation du consommateur à l’achat que constitue un site e-commerce serait considéré comme trompeuse.

Ces informations sont, entre autres, les caractéristiques principales du bien ou du service, l’adresse et l’identité du professionnel, les prix TTC, les frais de livraison à la charge du consommateur, ou du moins leur mode de calcul, s’ils ne peuvent être établis à l’avance, de quelle manière le consommateur peut régler ses achats et effectuer une réclamation, et s’il bénéficie d’un droit de rétractation.

Droit de rétractation et dropshipping

Ce droit de rétractation doit pouvoir être exercé sans frais supplémentaires par le consommateur dans les quatorze jours suivant la conclusion du contrat à distance, sans que le consommateur ait à motiver sa décision.

Or, dans le cas d’un site de dropshipping, les stocks sont gérés par le fournisseur et non par le vendeur, qui n’y a pas accès. Les fournisseurs sont souvent à l’étranger, ce qui peut considérablement allonger les délais de livraison.

Que se passe-t-il si le consommateur exerce son droit de rétractation, mais que le distributeur a déjà envoyé la commande ? Le consommateur doit se référer aux Conditions Générales de Vente (CGV) du site, qui doivent indiquer si les marchandises peuvent être retournées au vendeur, ou bien si elles doivent être retournées au distributeur.

Le contrat entre le vendeur et le distributeur doit prévoir les modalités d’un tel retour. Est-ce que le vendeur supporte les coûts des retours de marchandises ? Est-ce que le distributeur accepte les retours ?

Dropshipping et publicité mensongère

Comme tout autre site de vente en ligne, le site de dropshipping doit indiquer les caractéristiques principales du bien vendus.

Selon l’article L.212-1 du Code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse si elle «  repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant, en particulier, sur les

« caractéristiques essentielles du bien {…] à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ».

Mais le e-commerçant pratiquant le dropshipping n’a pas vu les produits qu’il met en vente et doit compter sur la description du produit qui lui est donnée par son fournisseur. Or, les produits vendus par dropshipping sont parfois de qualité inférieure et la description du fournisseur ne correspond pas à la réalité, ce dont se rendra compte l’acheteur à la réception de sa commande.

Si le fournisseur envoie au consommateur un produit dont les caractéristiques essentielles ne correspondent pas à la description faite sur le site, il s’agit d’une pratique commerciale trompeuse, qui est un délit puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros.

Dropshipping et influenceurs

Les sites de dropshipping utilisent souvent les influenceurs pour promouvoir les produits vendus et offrir des promotions à leurs « followers ».

La vidéo accompagnant le tweet de Bruno Lemaire évoque le rôle des influenceurs dans la promotion du dropshipping :

« Nous estimons que les influenceurs ont une responsabilité particulière parce que c’est eux qui vont recommander un produit, c’est eux qui vont orienter l’acte d’achat et la consommation vers tel ou tel produit ».

Bruno Le Maire appela les influenceurs, « qui ont un impact considérable sur la décision d’achat des jeunes », à prendre leurs responsabilités, à faire attention à ce qu’ils recommandent, à leurs « promos flash », qui doivent « correspondre à la réalité du produit ».

La publicité en faveur des énergies fossiles pourrait prochainement être interdite par la loi

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée le 10 février 2021 sur le projet de loi nº 3875 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Le Chapitre II du projet de loi propose de réguler les publicités « sur les produits et services ayant un impact sur le climat excessif ». Il pourrait être ajouté un article 581‑25‑1 au Code de l’environnement interdisant la publicité en faveur des énergies fossiles, à compter d’un an suivant l’entrée en vigueur de la future loi. Un décret en Conseil d’État devrait préciser la liste des énergies fossiles concernées ainsi que les modalités qui s’appliqueront aux énergies renouvelables incorporées aux énergies fossiles.

Ce décret en Conseil d’État devra néanmoins tenir compte « des exigences d’un bon accès du public, en particulier les personnes ayant un revenu modeste, à l’information relative au prix des énergies concernées, ainsi que des obligation légales ou règlementaires qui s’imposent aux fournisseurs et distributeurs de ces énergies. » Le gouvernement semble se souvenir que le mouvement des « Gilets Jaunes » avait en partie été inspiré par la hausse du prix du carburant.

Le non-respect de ces nouvelles dispositions pourrait être puni d’une amende de 30 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale. Ces amendes pourraient être portées au double en cas de récidive.

L’article 14 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication serait ainsi complété :

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel promeut en outre, en matière environnementale, des codes de bonne conduite ayant notamment pour objet de réduire de manière significative les communications commerciales audiovisuelles relatives à des biens et services ayant un impact négatif sur l’environnement, en particulier au regard de leur empreinte carbone, des émissions de gaz à effet de serre qu’ils génèrent et de leur participation à la déforestation. Ces codes visent également à prévenir des communications commerciales audiovisuelles présentant favorablement l’impact environnemental de ces biens ou services. »

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel serait ainsi en charge de produire des codes de bonne conduite, une « soft law » permettant aux annonceurs de mettre en place des bonnes pratiques.

Le Conseil d’État a publié son avis sur le projet de loi le 4 février dernier. Il note que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la publicité désigne « tout moyen d’information destiné à  permettre  au  client  potentiel  de  se  faire  une  opinion  sur  les  caractéristiques  des  biens  ou services qui lui sont proposés » et qu’ « [à] ce  titre,  toute  restriction  qui  est  apportée  à  la  publicité  est  susceptible  de  porter atteinte à la liberté d’entreprendre, au droit de propriété ainsi qu’à la liberté d’expression et de constituer une entrave à la libre circulation des marchandises ou à la libre prestation de services. »

Le Conseil d’État souligne que des restrictions peuvent néanmoins être apportées à la publicité par le droit, citant, en particulier, la décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme et la décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016 sur la loi de modernisation de notre système de santé. En outre, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes, fait de la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, un objectif de valeur constitutionnelle. À ce titre, un autre principe de valeur constitutionnelle, la liberté d’entreprendre découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, peut être limitée.

Le Conseil d’État note, en outre, que « la France est tenue par des engagements précis en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, pris notamment dans le cadre de l’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, et déclinés en objectifs chiffrés contraignants édictés au niveau de l’Union européenne ». Il en déduit que le nécessaire respect de ces engagements peut justifier des mesures « tendant à restreindre ou à interdire la publicité pour des biens ou des produits fortement consommateurs d’énergies fossiles, voire pour la consommation de telles énergies ».

Le Conseil d’État regrette, cependant, que le projet de loi énonce un principe général d’interdiction de « la publicité  en  faveur  des  énergies  fossiles », mais confie au pouvoir règlementaire le soin d’en définir son champ d’application, sans préciser « le  périmètre  ou  les  effets  attendus  des  mesures » , alors que l’étude d’impact indique simplement seront visés « l’essence, le gaz, les stations-services, les produits pétroliers, etc ». Le Conseil d’État n’a ainsi pu disposer d’éléments lui permettant de préciser le champ de l’interdiction envisagée par le projet de loi.

Le Conseil d’État souligne que le projet de loi utilise une « expression très générale » qui « ne permet pas de savoir si l’interdiction vise uniquement des publicités directes pour une source d’énergie, n’incluant pas de référence à un produit utilisant l’énergie, ou si elle concerne aussi des publicités se référant à la fois à une énergie et à un produit consommateur d’énergie ».  Il estime que si la loi pourrait être entachée d’incompétence négative si elle ne désigne pas quels sont les modes de publicité et les biens et énergies visés par une mesure d’interdiction. En outre, la loi prévoit des sanctions pénales, et son manque de précision pourrait porter attente au principe de légalité des délits et des peines.

C’est pourquoi le Conseil d’Etat ne peut retenir ces dispositions. Les prochains débats à l’Assemblée Nationale seront l’occasion de voir de quelle manière les députés entendent modifier le projet de loi en tenant compte de l’avis du Conseil d’Etat.