Vers la Création d’un Registre de Métadonnées afin de Mieux Protéger le Droit d’Auteur ?

Le ministre de la culture et de la communication, dans une question écrite au député Jean-Claude Bouchet, a indiqué le 30 juillet 2013 que créer un registre de métadonnées pourrait permettre « d’identifier les photographies et leurs auteurs et de connaître les conditions d’utilisations autorisées » (J.O. 30 juillet 2013 p.8190).

M. Jean-Claude Bouchet avait demandé au ministre de la culture et de la communication d’émettre un  avis sur une des propositions du rapport Lescure sur la politique culturelle à l’ère des contenus numériques, remis le 13 mai 2013 au Président de la République. Ce rapport préconise de mettre en mise en place un code de bonne conduite pour encadrer l’utilisation des banques d’images et l’utilisation de la mention DR (droits réservés).

Le développement de la photographie numérique

La photographie, et surtout la photographie de presse, est désormais numérique. Cela avait permis aux photographies des défilés de mode  prises illégalement en France d’être publiées presque instantanément  aux États-Unis. Mais cela permet également aux amateurs de se découvrir un public et même de s’improviser photo journaliste. Le site Citizenside se décrit ainsi comme “la première communauté photo/vidéo de témoins d’actualité ». Les amateurs peuvent y publier leurs photographies d’actualité et le site est l’intermédiaire entre les photographes et les médias du monde entier via la banque d’images ImageForum de l’Agence France-Presse, un partenaire minoritaire du site. Il ne s’agit sans doute pas là d’une singularité mais d’une tendance appelée à perdurer.

Amateurs et Professionnels

Tout ceci entraine un changement profond du marché de la photographie pour les professionnels puisque les amateurs et les semi professionnels deviennent  leurs concurrents directs en utilisant les plateformes d’échanges ou les banques d’images numériques, également appelées microstocks. Devant l’abondance d’images, le prix des photographies s’écroule et les professionnels peinent à vivre de leur travail. Certains ne peuvent même plus obtenir de carte de presse, faute de revenus suffisants. En effet, selon l’article L7111-3 du Code du travail, il faut tirer « le principal de ses ressources » de l’exercice de sa profession dans une entreprise ou une agence de presse pour être considéré journaliste professionnel.

Le rapport Lescure note d’ailleurs dans sa fiche B-5 consacrée aux droits des photographes à l’ère numérique que « [l]a photographie professionnelle est sans doute le secteur de la création culturelle pour lequel le choc numérique a été le plus violent ».  Les trois problèmes principaux  identifiés pour ce secteur par le rapport Lescure sont le développement de banques d’images à prix cassés, les sites de référencement et l’utilisation abusive de la mention DR (droits réservés).

L’une de ces banques d’images est le site Fotolia qui propose au téléchargement pour une somme modique des photographies ‘libres de droit’ qui peuvent ensuite être utilisées sans restriction. Or, selon l’article L. 131-3 du CPI, le domaine d’exploitation des droits cédés par l’auteur doit être « délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ». De plus, il semble que la mention DR, à l’origine utilisée pour désigner les œuvres « orphelines », c’est-à-dire des œuvres dont on ne connaît pas l’auteur, remplace parfois sur certains sites le nom de l’auteur de la photographie. Ceci  constitue une atteinte au droit au respect du nom de l’auteur, qui est un droit moral inaliénable et imprescriptible selon l’article L. 121-1 du CPI.

Le rapport Lescure propose de mettre en place un code de bonne conduite qui encadrerait le recours à la mention DR par les banques d’images. Il note d’ailleurs que la mention « libres de droit » de Fotolia « n’existe pas en droit » car « l’auteur (…) ne peut renoncer intégralement à la protection qui lui est accordée par la loi » (p. 257).

Encore faut-il que le droit d’auteur français s’applique puisque le site Fotolia est une entreprise de droit américain, et le droit des États-Unis autorise les auteurs à céder complètement leurs droits puisque le droit moral a un champ d’application très limité.

Les tribunaux français n’ont pas encore eu à se prononcer sur la nature juridique des microstocks au regard de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Exercent-ils un contrôle sur le contenu de leur site, ou bien se contentent-ils de référencer les œuvres ?

Il s’agit là d’un point important, car les sites de référencement, tels Google, bénéficient  du régime spécial de responsabilité de l’article 6-I-2 de la LCEN, qui les considère comme des  hébergeurs. Puisqu’ils n’exercent pas de contrôle a priori des contenus hébergés, ils ne sont pas considérés comme des éditeurs et par conséquent  ne voient leur responsabilité engagée que s’ils manquent de retirer «promptement » les contenus illicites après avoir été informés de leur illicéité.

Mais ce système protecteur des droits d’auteur n’est efficace que si les photographes ont à leur disposition des moyens techniques efficaces afin de dépister leurs œuvres illégalement publiées sur le web. C’est pourquoi la création d’un registre de métadonnées serait la bienvenue pour les photographes, ainsi que pour les utilisateurs soucieux de ne pas utiliser des images sans le consentement des auteurs.

Les Comptes Twitter Parodiques et l’Usurpation d’Identité Numérique

Une proposition de loi « visant à aggraver la sanction pénale applicable à l’usurpation d’identité commise par le biais de réseaux de communication électronique » a été introduite le 24 juillet par le député de l’opposition Marc Le Fur.

 Selon l’article unique de cette proposition de loi, le second alinéa de l’article 226-4-1 du code pénal serait modifié afin que l’usurpation d’identité commise par le biais d’un réseau de communication électronique soit punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende

Rappelons que l’infraction d’usurpation d’identité numérique a été créée par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure  du 14 mars 2011.

Selon l’article 226-4-1 du Code pénal :

« Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »

Lutter contre la cybercriminalité et le cyberbullying est nécessaire, et il est certain que l’identité d’une personne puisse être usurpée sur le web à des fins malveillantes. Mais cette définition peut englober les comptes parodiques qui fleurissent sur Twitter, au risque de la protection de la liberté d’expression.

Le site de micro blogging n’interdit pas les comptes parodiques. Au contraire, selon ses conditions d’utilisation, il « offre une plateforme pour que ses utilisateurs puissent partager et recevoir un grand nombre d’idées et de contenus, d’une grande diversité. Nous apprécions et respectons énormément l’expression de nos utilisateurs. En vertu des ces principes, nous ne surveillons pas activement le contenu des utilisateurs, et nous ne modifierons ou supprimerons pas le contenu d’utilisateurs sauf en cas de violations de nos Conditions. »

Une personne parodiée pourrait-elle invoquer l’article 226-4-1 afin de faire cesser la publication du compte parodique et de condamner son auteur à des peines criminelles ?

Identité et Parodie

L’article 226-4-1 définit largement l’identité numérique comme « une ou plusieurs données de toute nature permettant [d’identifier une personne]. Selon le rapporteur de la proposition de loi de 2011, l‘identité’ recouvre « tous les identifiants électroniques de la personne, (…) son nom, mais aussi son surnom ou son pseudonyme utilisé sur Internet » (Rapp. AN. no 2271, 1ere lecture, 27 janv. 2010 p.112)

L’identité  d’un utilisateur de Twitter se compose d’un nom de compte précédé d’un arobase (@nom), du nom de compte qui peut être le même que le @nom et d’un avatar. L’avatar proposé par Twitter est un simple œuf, mais l’usager peut mettre en ligne l’avatar de son choix. Dans le cas d’un compte parodique, l’avatar représente souvent la personne parodiée.

Prenons comme exemple un compte parodique célèbre chez nos voisins d’outre Manche. Selon The Sunday Times, Pippa Middleton aurait récemment consulté un cabinet d’avocat afin d’évaluer la possibilité de demander à la justice britannique de suspendre un compte parodique, @Pippatips.

Le nom du compte est @Pippatips. Il utilise le prénom de Pippa Middleton, et fait de plus allusion au livre de conseils (tips) publié par celle-ci l’an dernier, Celebrate. Le nom d’utilisateur est ‘Pippa Middleton Tips’, le nom complet de la personne parodiée et annonce que le compte Twitter donnera des conseils, comme dans le livre Celebrate.

 L’avatar du compte est une photographie de Pippa Middleton habillée de jaune, l’air songeur, qui semble prise dans les tribunes d’un stade (Wimbledon ?). Miss Middleton est facilement reconnaissable, du moins pour les personnes qui suivent l’actualité heureuse de près. Nul doute que les créateurs du compte parodique utilisent  l’identité numérique de Pippa Middleton. Mais l’usurpent-ils ?

Ursurpation d’Identité Numérique ou Parodie ?

Pour prouver l’usurpation de cette identité numérique, il faudrait en outre que l’élément moral de l’infraction soit prouvé, c’est-à-dire, dans le cas de l’article 226-4-1, le fait de vouloir troubler la tranquilité d’une personne, celle dont l’identité est usurpée ou bien celle d’un tiers, ou bien de porter atteinte à l’honneur de cette personne, c’est-à-dire de la diffamer.

L’infraction est effectivement similaire au délit de diffamation (atteinte à l’honneur), mais son champ d’application est plus large puisque même une simple atteinte à la tranquillité satisfait l’élément moral de l’infraction. Un bien vaste concept, sans définition précise, et qui n’est d’ailleurs utilisé en jurisprudence que pour les troubles de voisinage, qui constituent un préjudice patrimonial, alors que l’atteinte à l’honneur est une atteinte au droit de la personnalité, un préjudice extra-patrimonial.

L’article 226-4-1 du Code pénal ne prévoit aucune exception parodique, et cela peut permettre à la personne physique ou la personne morale parodiée d’invoquer un trouble à sa tranquillité afin de tenter de condamner un parodiste au détriment de la liberté d’expression, d’autant plus que le concept d’atteinte à la tranquillité est des plus flous.

La proposition de loi présentée par Mr. Le Fur exacerberait encore plus le risque d’un ‘effet refroidissant’ (chilling effect) pour la liberté d’expression sur le web en doublant les peines pénales prévues en cas d’usurpation d’identité numérique. Il aurait été de bon aloi d’ajouter à cette proposition de loi un paragraphe consacré à l’exception de parodie.

Vers une meilleure protection par le droit d’auteur des œuvres transformatives ?

Grâce aux ressources du Web, nombreux sont les amateurs qui créent des mashups ou des remixs en combinant deux ou plusieurs compositions musicales. Les compositions originales sont disponibles en ligne, ainsi que les programmes informatiques permettant le mashup. iTunes propose même une application mashup et remix. 

Ces contenus crées par les utilisateurs, user generated content, peuvent ensuite être publiés en ligne, découverts par d’autres utilisateurs, et, qui sait, utilisés dans un nouveau mashup. La roue tourne, et le public bénéficie de la vitalité de la création. Qu’en est-il des auteurs ?

Qu’est qu’un mashup ?

Le vocabulaire de la culture et de la communication publié au Journal Officiel du 22 juillet 2010 définit le mashup comme un « [a]ssemblage, au moyen d’outils numériques, d’éléments visuels ou sonores provenant de différentes sources » et propose le terme « collage » comme équivalent. Je préfère parler de mashup, parce qu’il me semble que le terme « collage » devrait être réservé aux œuvres sur papier, et que « collage » est utilisé aux États-Unis pour désigner les collages sur papier tandis que mashup est utilisé pour les compositions musicales ou audiovisuelles.

Du point de vue du droit d’auteur, il y a une utilisation d’œuvres originales. Le œuvres musicales ou audiovisuelles sont combinées (mashed) pour créer une nouvelle œuvre qui peut, elle aussi, être protégée par le droit d’auteur, si elle est originale.

Œuvres Dérivées – Œuvres Composites

Comment appeler cette nouvelle œuvre ? Les termes ‘œuvre dérivée’ et ‘œuvre composite’ sont souvent utilisés de manière équivalente en droit français, mais il existe une différence, que Bernard Edelman expliqua bien dans une note au Dalloz en 1994 (D. 1994 JP 90). L’œuvre composite « s’incorpore à une oeuvre préexistante » tandis que l’œuvre dérivée « adapte une œuvre originale, la transforme ou l’arrange ».

L’article L. 113-2 du Code de Propriété Intellectuelle (CPI) définit l’œuvre composite comme une « œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ». Les deux auteurs, celui de l’œuvre originale et celui de l’œuvre qui en dérive, ne collaborent pas. Le CPI ne définit pas l’œuvre dérivée, mais son article L.112-3 précise que « [l]es auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale ».

La Convention de Berne protège également dans son article 2.3 les œuvres dérivées « sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale ». L’article 2.3 ne définit pas non plus l’œuvre dérivée, mais donne comme exemple « les traductions, adaptations, arrangements de musique et autres transformations d’une œuvre littéraire ou artistique ».

Demander la Permission

Que les mashups et les remixs soient considérées comme des œuvres dérivées ou bien composites, il faut que l’auteur de l’œuvre composite/dérivée ait la permission de l’auteur de l’œuvre originale afin de pouvoir l’utiliser. C’est ce que signifie « sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale ».

Si l’œuvre originale n’est pas dans le domaine public, ou bien si son auteur n’a pas concédé une licence à titre gratuit, telle une licence Creative Commons, l’auteur de l’œuvre dérivée/composite doit demander préalablement la permission d’utiliser l’œuvre originale.

Cette permission peut ne pas être accordée, ou bien l’auteur du mashup ou du remix néglige de demander la permission, ou bien il ne sait même pas à qui demander la permission car l’auteur est inconnu, ou bien l’auteur de l’œuvre originale a cédé ses droits patrimoniaux à un tiers lui-même inconnu. Si l’œuvre dérivée est tout de même créée, elle est alors à la merci de l’auteur (ou du titulaire des droits patrimonaix) de l’œuvre originale, qui peut décider  d’attaquer en justice pour contrefaçon.

Cette incertitude juridique va peut- être laisser place à plus de certitude juridique. En effet, le ‘rapport Lescure’, remis en mai dernier au Ministre de la Culture et de la communication, appelle à la « clarification du statut juridique des œuvres transformatives » et note que les exceptions au droit d’auteur prévues par le droit français « ne permettent pas de sécuriser correctement les pratiques de «création transformative() dont les technologiques numériques favorisent l’essor » (T. 1 p. 36).

« le statut juridique de ces œuvres transformatives, qualifiées en droit français d’œuvres composites, reste excessivement précaire : ne pouvant généralement bénéficier des exceptions de parodie et de courte citation, les créateurs d’œuvres transformatives sont contraints de solliciter l’autorisation de tous ceux qui détiennent des droits sur les œuvres qu’ils entendent réutiliser. Les accords passés entre les sociétés de gestion collective et certaines plateformes de partage de contenus ne permettent pas, en l’état, de sécuriser ces pratiques » (T. 1 p. 36).

Quelles peuvent être les réponses du droit ? Si l’auteur du mashup/remix obtient la permission préalable de l’auteur de l’œuvre originale, aucun problème. Le droit d’auteur permet-il déjà d’autres exceptions ?

Exceptions au droit d’auteur

Le ‘rapport Lescure’ cite l’audition de l’ADAGP (Société des Auteurs Dans les Arts Graphiques et Plastiques) selon laquelle « [i]l faut résister à la tentation des exceptions ». Selon l’ADAGP, « les pratiques de remix et de mashup sont inquiétantes : il faut préserver le principe selon lequel l’autorisation de l’auteur doit être préalablement obtenue si l’œuvre d’origine est reconnaissable ; un élément essentiel à la préservation du droit moral. Au final, des évolutions similaires à celle de la législation canadienne ne seraient pas acceptables.» (Rapport Lescure T. 2 p. 34).

En effet, le Canada a modifié en 2012 son droit d’auteur et l’article 29.21(1) de la loi sur le droit d’auteur a créé un ‘safe harbor’ pour les’ contenus non commercial générés par l’utilisateur’.

Selon la loi canadienne :

       Ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait, pour une personne physique, d’utiliser une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur ou une copie de ceux-ci — déjà publiés ou mis à la disposition du public — pour créer une autre œuvre ou un autre objet du droit d’auteur protégés et, pour cette personne de même que, si elle les y autorise, celles qui résident habituellement avec elle, d’utiliser la nouvelle œuvre ou le nouvel objet ou d’autoriser un intermédiaire à le diffuser, si les conditions suivantes sont réunies :

  • a) la nouvelle œuvre ou le nouvel objet n’est utilisé qu’à des fins non commerciales, ou l’autorisation de le diffuser n’est donnée qu’à de telles fins;
  • b) si cela est possible dans les circonstances, la source de l’œuvre ou de l’autre objet ou de la copie de ceux-ci et, si ces renseignements figurent dans la source, les noms de l’auteur, de l’artiste-interprète, du producteur ou du radiodiffuseur sont mentionnés;
  • c) la personne croit, pour des motifs raisonnables, que l’œuvre ou l’objet ou la copie de ceux-ci, ayant servi à la création n’était pas contrefait;
  • d) l’utilisation de la nouvelle œuvre ou du nouvel objet, ou l’autorisation de le diffuser, n’a aucun effet négatif important, pécuniaire ou autre, sur l’exploitation — actuelle ou éventuelle — de l’œuvre ou autre objet ou de la copie de ceux-ci ayant servi à la création ou sur tout marché actuel ou éventuel à son égard, notamment parce que l’œuvre ou l’objet nouvellement créé ne peut s’y substituer.

 Le droit moral

Le droit canadien a pris soin de protéger quelque peu le droit moral de l’auteur de l’œuvre utilisée pour le remix, puisqu’elle demande à l’auteur de l’œuvre dérivée, « si cela est possible », d’attribuer la paternité de l’œuvre utilisée dans le remix à son auteur.

Le droit français ne protège pas uniquement le droit patrimonial de l’auteur, mais également son droit moral, dont le droit de revendiquer la paternité d’une œuvre est l’un des éléments, mais aussi le droit au respect de son œuvre qui comprend le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre. Selon un arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 24 février 1998, « le respect dû à l’œuvre en interdit toute altération ou modification, quelle qu’en soit l’importance ». Or, un remix ou un mashup vont nécessairement altérer l’œuvre originale…

Parodie et Citation

Mais le droit français admet que l’œuvre originale soit altérée si est parodiée. L’article L. 122-5 du CPI prévoit certaines exceptions au droit d’auteur, dont certaines ont pour but de favoriser la liberté d’expression et de création, telles la citation et la parodie.

Le ‘rapport Lescure’, dans sa fiche C-9 consacrée à la création transformative à l’ère numérique, note pourtant que :

« [l]’exception de parodie ne paraît pas constituer un cadre adéquat pour la reconnaissance juridique des œuvres transformatives, dont la plupart sont dépourvus de la finalité humoristique que la jurisprudence exige au titre des« lois du genre »; elle peut toutefois être invoquée pour certaines créations, par exemple celles qui superposent, dans une intention humoristique, la bande sonore d’un film sur les images d’un autre film » (T.1 p.425).

En effet, les mashups/remixs ne devraient pas être condamnés à être humoristiques pour être légaux…

Quant à l’exception de citation, le rapport note que celle-ci est « peu opérante » car elle doit respecter plusieurs conditions : « identification de la source, respect du droit moral, brièveté de la citation, finalité critique, polémique, pédagogique, scientifique ou informative. Elle ne s’applique que très difficilement en dehors du champ littéraire ». Selon le Professeur Gautier (Propriété Littéraire et Artistique aux PUF) ,le sampling n’est pas une « citation véritable ».

Le site Numerama a  indiqué que la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a demandé au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique d’étudier le régime juridique des œuvres transformatives. On peut imaginer que la publication de ce rapport précède et étaye une proposition de loi. A suivre…

 

Une Norme AFNOR pour Lutter Contre les Avis Fictifs

L’association française de normalisation, l’AFNOR a publié le 4 juillet une norme NF Z74-501 – Avis en ligne de consommateurs.

Selon le site AFNOR, cette norme offre aux sites Web, « sur une base volontaire, des règles et des procédures permettant de fiabiliser les méthodes de traitement, de collecte et de restitution des avis en ligne de consommateurs de produits et de services ».

L’AFNOR annonce qu’elle délivrera dès septembre les premiers certificats NF Service – Avis en ligne, après un audit. Le site devra prouver que qu’il a mis en œuvre les moyens permettent de respecter la norme NF Z74-501.

Les internautes désireux de connaître les opinions des uns et des autres sur, par exemple, un restaurant, consultent souvent les avis postés par des consommateurs avant de décider de faire une réservation. Mais ces commentaires  vantant les mérites de tel produit ou services sont parfois fictifs…

Un article publié en 2011 par Les Inrocks détaillait comment un journaliste se prétendant propriétaire d’un site de réservation d’hôtels souhaitant obtenir des commentaires positifs de clients avait reçu des devis de plusieurs agences d’e-réputation, y compris des agences françaises, expliquant de quelles manières elles pouvaient poster de faux commentaires d’utilisateurs en toute impunité.

Il faut dire que ces pratiques sont illégales tant en droit français qu’en droit européen.

La Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs s’applique, selon son considérant 7, aux « pratiques commerciales qui visent directement à influencer les décisions commerciales des consommateurs à l’égard des produits». Son article 6 définit une pratique commerciale trompeuse comme contenant des informations fausses  ou bien si elle « induit ou est susceptibles d’induire en erreur le consommateur moyen » et que, dans ces deux cas, elle « l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. »

En outre, l’annexe 1 de la Directive énumère des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Parmi elles, l’utilisation d’un contenu rédactionnel, que le professionnel a lui-même financé, pour faire la promotion dans les médias d’un produit ou bien le fait de se présenter faussement comme un consommateur. Ces définitions englobent les avis fictifs.

La directive a été intégrée dans le Code de la consommation. Son article L 121-1-1-11° interdit l’utilisation « d’un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d’un produit ou d’un service alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l’indiquer clairement dans le contenu ou à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le consommateur ». Son article L 121-1-1-21° interdit au professionnel de « se présenter faussement comme un consommateur ».

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) avait d’ailleurs indiqué dans son bilan d’activité 2012 que les actions en matière de commerce électronique en 2012 ont « plus particulièrement ciblé les faux avis de consommateurs circulant sur la toile ».

Selon le journal La Tribune, les sites souhaitant obtenir cette norme devront interdire les commentaires anonymes.

Est-ce que la protection des consommateurs justifie cette atteinte à la liberté d’expression ? La liberté d’expression doit comporter le droit de s’exprimer de manière anonyme sur Internet, dans les limites légales. L’interdiction totale de tous commentaires anonymes n’est pas souhaitable, d’autant plus qu’il est facile de créer une ‘vraie-fausse’ identité de consommateur satisfait par les services de l’hôtel de la Plage.

Suppression de la Peine Complémentaire de Suspension de l’Accès à Internet

Le décret n° 2013-596 du 8 juillet 2013 a été publié aujourd’hui au Journal Officiel et entrera en vigueur demain, le 10 juillet.  

Il supprime l’alinéa III de l’article R-335 du Code de Propriété Intellectuelle (CPI) qui avait été créé par le décret n°2010-695 du 25 juin 2010. Selon cet alinéa, une personne titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne coupable de négligence caractérisée, pouvait voir sa connexion à Internet supprimée

L’alinéa I de l’article R-335 du CPI , qui n’est pas aboli, définit la négligence caractérisée comme le fait, sans motif légitime de n’avoir pas mis en place un moyen de sécurisation de son accès à Internet ou d’avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen, après demande de l’HADOPI de sécuriser la connexion avant de prévenir son utilisation pour télécharger illégalement des œuvres protégées par le droit d’auteur.

Désormais, avec la suppression de la peine complémentaire de suspension de l’accès à internet, les titulaires d’un accès à Internet n’auront pas à souffrir de la suppression de leur connexion à Internet qui pouvait durer jusqu’à un mois maximum.

La suppression de la peine complémentaire par le décret est heureuse, car la suppression à l’accès à Internet ne doit pas constituer une peine. Il est important de pouvoir conserver son droit à avoir une connexion Internet, qui pourrait même prochainement être considéré un droit de l’homme.

En effet, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a voté le 29 juin 2012 un projet de résolution sur la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur l’Internet. Selon son article 3 engage tous les États à promouvoir et faciliter l’accès à l’Internet en raison de son importance pour la liberté d’expression.

Le Conseil de l’Europe a voté en mai 2009 une résolution dite « de Reykjavik ». Son paragraphe 5 affirme qu’internet est « un outil essentiel pour les activités quotidiennes » et que les citoyens « s’attendent donc à ce que les services internet soient accessibles, abordables, sécurisés, fiables et continus. Leur accès concerne aussi la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’exercice de la citoyenneté démocratique. »

 

 

Conseil Constitutionnel: l’ARCEP ne doit pas disposer d’un pouvoir de sanction

Le Conseil Constitutionnel (CC), a décidé  aujourd’hui que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ne doit pas disposer d’un pouvoir de sanction (Décision n° 2013 – 331 QPC).

L’ARCEP, créée par la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996, a pour mission la régulation du secteur des télécommunications. La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle lui a en outre confié la régulation des fournisseurs d’accès à interne et des opérateurs de transport de données.

L’ARCEP avait pris le 4 novembre 2010 une décision afin de régler un différend entre les sociétés Numéricâble et France Telecom. Lorsque les sociétés Numéricâble prirent du retard dans l’exécution de cette décision de règlement, l’ARCEP prononça une sanction contre elles le 20 décembre 2011, comme l’autorisait l’article L.36-11 du CPCE. Cette sanction était lourde, une amende de 5 millions d’euros.

Les sociétés Numéricâble déposèrent une requête en annulation de la décision de l’ARCEP devant le Conseil d’État, qui saisit le CC le 29 avril 2013 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à la Constitution de l’article L. 36-11 du CPCE.

La QPC portait en particulier sur les principes d’indépendance et d’impartialité garantis par la Constitution, et demandait si l’article L. 36-11 du CPCE garantit bien la séparation des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement au sein de l’ARCEP.

En effet, les douze premiers alinéas de l’article L. 36-11 du CPE donnent à l’ARCEP le pouvoir de sanctionner certains manquements d’exploitants de réseaux ou de fournisseurs de communications électroniques aux lois et aux règlements concernant leurs activités ou aux décisions prises pour en assurer la mise en œuvre. Ils donnent également l’ARCEP un pouvoir de sanction pouvant aller jusqu’à la suspension totale ou partielle, pour un mois ou plus, du droit d’établir ou de fournir un réseau de communication électroniques.

Les sociétés Numéricâble avaient argué que ces dispositions ne garantissaient pas la séparation des pouvoirs de poursuite et d’instruction au sein de l’ARCEP et qu elles portaient ainsi atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDH).

Si l’article L. 36-11 confie au directeur général de l’ARCEP l’exercice des poursuites devant celle-ci, ce directeur général est nommé par le Président de l’ARCEP et est placé sous son autorité. En outre, il assiste aux délibérations de l’ARCEP.

C’est pourquoi, selon le CC, les douze premiers alinéas de l’article L. 36-11 du CPCE n’assurent pas la séparation fonctions de poursuite et d’instruction des fonctions de jugement au sein de l’ARCEP et méconnaissent ainsi le principe d’impartialité. Par conséquent, ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution.

Le principe d’indépendance et d’impartialité

Le principe d’indépendance et d’impartialité des juges est protégé par l’article 16 DDH :  

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

Le CC avait affirmé dès 1970 la valeur constitutionnelle du principe d’indépendance des juges dans sa Décision n° 70-40 DC du 09 juillet 1970 à propos de la loi organique relative au statut des magistrats.

Mais les juges ne sont pas seuls à exercer une activité juridictionnelle. Les autorités administratives indépendantes, telles la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA), ou l’ARCEP, peuvent également exercer des fonctions juridictionnelles.

 Le Conseil d’État a ainsi reconnu en 2008 à la CNIL « eu égard à sa nature, à sa composition et à ses attributions [le statut] de tribunal au sens de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (CE référé, 19-02-2008, n° 311974, Société Profil France).

En effet, l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, consacre le droit à un tribunal indépendant et impartial. Cet article 6 §1 n’a pas été cité par le CC dans cette décision. La Cour Européenne des Droits de l’Homme admet la légalité de l’activité juridictionnelle des autorités indépendantes s’il est possible pour le justiciable de saisir de toute décision prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de l’article 6 (CEDH 21 février 1984, Öztürk c. Allemagne).

Dans sa Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, rendue à propos de l’organisation et du pouvoir de sanction de l’Autorité de la concurrence, le CC avait jugé qu’une autorité administrative indépendante peut exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de sa mission si l’exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés garantis par la Constitution. 

 Le gouvernement français a indiqué dans un communiqué qu’il allait faire des propositions afin de rétablir les pouvoirs de sanction de l’ARCEP tout en respectant la Constitution.

Un Fichier de Données Personnelles Non Déclaré à la CNIL N’est Pas Dans Le Commerce

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient d’énoncer dans l’arrêt n° 685 du 25 juin 2013 que, puisque tout fichier informatisé contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), la vente d’un fichier non déclaré doit être déclarée nulle, car il n’est pas dans le commerce.  

L’arrêt a été rendu au visa de l’article 1128 du code civil, et de l’article 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, la loi Informatique et Libertés.

L’article 22 de la loi Informatique et Libertés pose en principe général la déclaration des traitements automatisés de données à caractère personnel auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

L’article 1128 du Code civil dispose qu’«[i]l n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent faire l’objet des conventions » Les conventions, c’est-à-dire les contrats, tel un contrat de vente. En l’espèce, un particulier fait assigner une société en nullité de la vente d’un fichier de clients informatisé. Le fichier de clientèle aurait dû être déclaré à la Commission nationale informatique et libertés (la CNIL) mais ne l’avait pas été. La  cour d’appel de Rennes refusa le 17 janvier 2012 d’annuler la vente du fichier en arguant que la loi Informatique et Libertés ne prévoit pas que l’absence de déclaration à la CNIL emporte la nullité du contrat.

Cet arrêt a été cassé le 25 juin 2013 par la Cour de cassation. Selon l’attendu, « en statuant ainsi, alors que tout fichier informatisé contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL et que la vente par la société Y d’un tel fichier qui, n’ayant pas été déclaré, n’était pas dans le commerce, avait un objet illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Un contrat de vente nul doit être considéré comme n’ayant jamais existé. L’arrêt de la Cour de cassation devrait inciter les entreprises soucieuses de protéger leurs biens immatériels à déclarer leurs fichiers à la CNIL. D’autant plus que les fichiers clients ont parfois une grande valeur marchande. Selon un rapport du World Economic Forum publié en mai 012, « les données personnelles représentent une classe d’actifs émergente, potentiellement tout aussi précieux que d’autres actifs tels que les biens échangés tels que l’or ou le pétrole » (voir p. 7)

De la Propriété d’un Compte Twitter…

On se souvient que Benoît XVI fût le premier Pape à « twitter » sous le compte @pontifex, qui acquit rapidement des millions de « followers » (abonnés).

Le Pape émérite aurait-il pu continuer à utiliser le compte Twitter, en donnant le nom au compte, par exemple, de @PontifeEX ? Il est possible en effet de ne changer que le nom d’un compte Twitter, sans en changer le mot de passe. Les abonnés de @pontifex auraient automatiquement commencé à suivre le compte du Pape à la retraite.

Le Vatican a choisi d’effacer les tweets de Benoît XVI du compte @pontifex, et de commencer à zéro avec le Pape François, qui a émis son premier tweet le 17 mars.

La question ainsi posée est bien sûr théorique, mais il arrive en pratique que la question de l’appartenance d’un compte sur un réseau social soit contestée lorsque l’employé en charge d’un compte Twitter professionnel quitte ses fonctions, particulièrement s’il ne le fait pas de son plein gré. Or, les comptes professionnels de réseaux sociaux jouent souvent un rôle important dans la stratégie marketing d’une entreprise. L’enjeu de l’appartenance d’un compte peut être important.

Qui est le propriétaire des abonnés à un compte Twitter ?

Qui est le propriétaire de la liste des personnes suivant un compte Twitter ? Un litige présenté à un tribunal fédéral de l’État de Californie, PhoneDog v. Noah Kravitz, devait répondre à cette question, mais malheureusement pour les juristes, le litige s’est finalement résolu à l’amiable.

Noah Kravitz travaillait pour PhoneDog, et l’une de ses tâches était de promouvoir les activités commerciales de son employeur, un site web qui reçoit, selon les documents présentés au tribunal, environ 1.5 million de visiteurs chaque mois. PhoneDog demande à ses employés de maintenir un compte Twitter et de l’utiliser « dans le cadre des services qu’ils effectuent pour PhoneDog ». Les messages ainsi publiés sur Twitter dirigent les personnes intéressées vers le site web de PhoneDog par un lien hypertexte, ce qui augmente d’autant le trafic du site et permet ainsi de générer des revenus publicitaires.

Mr. Kravitz , employé par PhoneDog depuis 2006, avait ainsi créé un compte Twitter, et utilisait le nom @PhoneDog_Noah pour poster ses messages. Environ 17 000 comptes Twitter suivaient PhoneDog_Noah. Mr. Kravitz démissionna en octobre 2010. Selon l’employeur, il demanda alors à Mr. Kravitz de ne plus utiliser ce compte, mais au lieu de le faire, Mr. Kravitz changea le nom du compte Twitter et utilisa désormais le nom @noahkravitz.

PhoneDog poursuivi son ancien employé en justice, et invoqua une atteinte au secret des affaires. Selon ses arguments, tous les mots de passe permettant d’accéder à un compte Twitter dont le nom est de type PhoneDog_NAME (PhoneDog_NOM) et tous ces comptes constituent des informations confidentielles. PhoneDog soutint qu’il avait pris des précautions raisonnables afin de sauvegarder la confidentialité de ces données, et que ces données confidentielles incluaient le mot de passe permettant d’accéder au compte Twitter litigieux.

Comment un cas similaire pourrait-il être jugé en France ?

Est-ce une atteinte au secret des affaires ?

Une proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 23 janvier 2012. Elle introduirait dans le Code pénal un article 325-1, qui définirait les informations protégées relevant du secret des affaires d’une entreprise, comme étant celles qui :

« quel que soit leur support (…) ne présentent pas un caractère public dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de [l’] entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique et technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle et qui ont, en conséquence, fait l’objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci. »

On le voit, une liste de personnes suivant un compte Twitter public ne pourrait correspondre à cette définition, car la loi exigerait que ces informations aient « fait l’objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci ». Une telle liste est visible pour les visiteurs de la page Twitter d’un compte, qu’ils soient ou non utilisateurs du site, à moins que la page ait été protégée.

La proposition n’est pas devenue loi.

Est-ce un abus de confiance ?

Si un cas similaire à celui de PhoneDog v. Noah Kravitz était présenté devant les tribunaux français , serait-il possible que l’employé soit incriminé d’abus de confiance ? On se souvient que l’article 408 de l’ancien code pénal mentionnait explicitement la remise de bien dans le cadre d’un travail salarié ou non salarié. Le Code pénal de 1994 avait étendu le champ d’application de l’infraction en supprimant toute référence à des contrats spéciaux, mais l’abus de confiance demeure souvent le fait d’un employé indélicat.

L’article 314-1 du Code pénal définit l’abus de confiance comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. »

Un mot de passe peut-il être un ‘bien quelconque’, et, plus largement, est-ce que le ‘bien quelconque’ de l’article 314-1 peut être incorporel ? La définition de l’article 314-1 est pour le moins large, mais la Cour de cassation a attendu le 14 novembre 2000 pour juger que «les dispositions de l’article 314-1 s’appliquent à un bien quelconque, et non pas seulement à un bien corporel»

La même Chambre précisa le 16 novembre 2011 que l’article 314-1 du Code pénal s’applique à un bien quelconque susceptible d’appropriation, et en conclut qu’il s’applique dès lors au détournement de clientèle.

La Cour distingua bien le fichier de clientèle de la clientèle elle-même et cassa au motif que « les informations relatives à la clientèle constituent un bien susceptible d’être détourné ». En l’espèce, aucun détournement de fichier n’avait été établi.

Encore faut-il que le détournement puisse être établi. Or, les listes d’abonnés Twitter sont publiques, à moins de protéger la confidentialité du compte, ce qui n’est évidemment pas dans l’intérêt d’une entreprise.

Cette jurisprudence pourrait être utile à un employeur qui souhaiterait obtenir le contrôle d’un site Twitter créé par un employé dans le cadre de son emploi, comme dans le cas de Noah Kravitz. En ce cas, le détournement du mot de passe au compte, un bien quelconque incorporel, ne peut être invoqué, ni celui de l’ordinateur ou de la connexion Internet, puisque l’employé les a utilisé légitimement durant son emploi afin de servir les intérêts de son employeur.

En outre, la Cour de cassation avait admis en 2004 que l’abus de confiance puisse porter sur un projet détourné par l’employé qui l’a pourtant lui-même crée puisque ce détournement a été fait au préjudice de l’employeur, en notant qu’il « a disposé au profit d’un tiers et comme d’un bien propre d’un projet qui, dès sa réalisation, était propriété de son employeur et dont il n’était devenu que détenteur ».

Cela pourrait également décrire la mise en place et l’animation du compte Twitter…

 

You Stole My Ideas! (Not)

Here is a recent case about how difficult it is to prove that a third party used one’s ideas without permission and also about how important it is for an author to keep a paper trail of his creative process.

The case is Gerald Morawski v. Lightstorm Entertainment Inc. et al., US Central District of California, (case No. 2:11-cv-10294).

Gerald Morawski is a visual effect consultant who first met film director James Cameron in 1991 as Mr. Cameron was interested in some of Mr. Morawski’s works. Mr. Morawski signed later on a Confidentiality and Non-Disclosure Agreement with Lightstorm Entertainment, a production company headed by Mr. Cameron. Under its terms, Mr. Morawski’s ideas and his responses to Lightstorm would be Lightstorm’s exclusive property. However, Mr. Morawski’s original ideas and artworks created by him which were not derived from Lightstorm’s material would remain his exclusive property.

Later on, Mr. Morawski pitched to Lightstorm an idea for a film, Guardians of Eden, but the project did not go through. After Mr. Cameron wrote and directed the very popular Avatar movie, Mr. Morawski filed suit against Lightstorm and James Cameron, arguing that they had used his original ideas in Avatar, identifiying 19 similarities in the Guardians of Eden story and in Avatar, and claiming that therefore the defendants had breached the Agreement.

However, Mr. Morawski was unsuccessful in proving his claim, and on January 31, 2013, Judge Margaret Morrow from the Central District Court of California granted summary judgment in favor of the defendants.

Ideas are not Protected by Copyright

Ideas are not protectable by copyright. § 102(b) of the 1976 Copyright Act states that “[i]n no case does copyright protection for an original work of authorship extend to any idea… regardless of the form in which it is described, explained, illustrated, or embodied in such work.“

The Doctrine of Independent Creation

However, ideas may be protected by contract, either express or implied, and that it is what Mr. Morawski was arguing in this case, albeit unsuccessfully. In order to be successful in his claim, Mr. Morawski had to prove that defendants had used his intellectual property without permission.

The fact that plaintiff’s ideas and defendant’s work were similar created an inference that the defendant had used plaintiff’s ideas, as the defendant had indeed “received” plaintiff’s ideas. However, under the doctrine of independent creation, this inference could be dispelled if the defendant could prove independent creation.

In this case, while there was indeed similarities between Mr. Morwaski’s ideas and Avatar, Mr. Cameron successfully proved that he independently created the successful movie. The Court reviewed some of the defendant’s prior works, including projects, unproduced works, and drafts, where some of the themes, characters and plots later developed in Avatar appeared, before Mr. Cameron had access to Mr. Morawski’s ideas.

Also, defendants pointed out that several of the ideas and themes in Avatar stemmed from history or commonly used themes. For instance, the romance between the main character Jake Sully, a human being, and Neytiri, a creature indigenous to the planet Pandora where the action takes place, was a variation of a Romeo and Juliette type love story between a colonizer and a native such as, for example, the story of Pocahontas. The Court cited a 1984 California case, Klekas v. EMI Films, where the court noted that “there are a limited number of ideas and themes available for use in literary material, and, therefore, those ideas and themes are shared by all literature.”

Even if the works were similar, and defendant had access to plaintiff’s work before actually creating Avatar, no inference of copying could be drawn as Mr. Cameron owned prior works containing the same elements.

Indeed, ideas are rarely entirely original and novel. Also, even original ideas may have stemmed independently from two different creative minds. Some of the take-aways from this case is that it is a good idea  for artists to have a paper trail of their creation process, and to archive all of these documents.

Unauthorized Posting of Fashion Photographs not Protected by European Convention of Human Rights

A case that started a decade ago came to a final end on January 10 after the European Court of Human Rights in Strasbourg ruled that France did not violate the right to freedom of expression protected by the European Convention of Human Rights when its highest court ruled that the unauthorized publication on a web site of photographs taken during fashion shows was not protected by the European Convention of Human Rights.

The case is Ashby Donald v. France, and is available (only in French) here.

The applicants in this case were fashion photographers, who, in March 2003, had taken photographs of the Fall/Winter fashion shows in Paris which were posted on the ViewFinder site without the permission of the fashion houses. Clothes are protected by copyright in France, unlike in the US, as long as they are original, which was the case here.

First Amendment Protects Publication of Fashion Photography on a Web Site

The fashion houses had first sued ViewFinder, and had won in France. However, the Southern District of New York (SDNY) refused in 2005 to grant them the exequatur which would have made the French judgment enforceable in the US.

ViewFinder had argued inter alia that the French judgment’s compensatory remedies were unenforceable because enforcing the judgment would be inconsistent with the First Amendment.

The SDNY agreed that “[t]here [was] no question that Viewfinder’s activities [fell] within the purview of the First Amendment. That those activities do not involve the expression of political opinions does not defeat the relevance of the Amendment. The subject matter of protected expression extends beyond the political to include matters of cultural import.”

The French Rulings in the Case

The fashion houses later sued for copyright infringements the photographers as well, who won in the court of first instance, but lost in front of the Paris Court of Appeals, a ruling later confirmed by France’s highest civil and criminal court, the Cour de Cassation.

The photographers had claimed unsuccessfully in front of the Cour de Cassation that, by holding against them, the Court of Appeals had violated of article 10 of the European Convention on Human Rights which protects freedom of speech, and also article L. 122-5 9° of the French Intellectual Property Code, which, at the time, allowed an exception to the exclusive right of reproduction if for:

a “ reproduction or representation, in full or in part, [of] a work of graphic art, architectural or plastic, through print, broadcast or online, with the sole aim of immediate information and direct relationship with the latter, subject to clearly indicate the name of the author.”

However, the Cour de Cassation held that article L. 122-5 9° did not apply to the seasonal industry of fashion, an interpretation that the photographers argued was restrictive, when they took their case to the European Court of Human Rights.

The European Court of Human Rights refused to rule on this issue as it was an issue of how the Cour de Cassation had interpreted French law, and the Strasbourg Court’s role is limited to ensure compatibility with the European Convention of the effects of such an interpretation.

The January 10 Ruling of the European Court of Human Rights

The fashion photographers had argued in front of the Strasbourg Court that the French sentence was an unwarranted interference in their freedom of expression, as the fashion photographs are information and that, by disseminating them on a website, the photographers had exercised their freedom of expression, even if their purpose was commercial.

France: Fashion is Not a Debate of General Interest

The French government denied such interference, and argued that, even if there had been interference, it was legitimate as it aimed at protecting the rights of authors and was necessary in a democratic society. Indeed, article 10-2 of the European Convention of Human Rights states that exercising one’s freedom of expression may be subject to some restrictions or penalties prescribed by law if “necessary in a democratic society.”

France had also argued that the States signatory to the Convention have a greater margin of appreciation when restricting expression on a subject that is not a « debate of general interest, » such as, according to France, fashion. A surprising statement for a country known for its fashion industry!

Protecting Fashion by Copyright is a Legitimate Interference with Freedom of Expression

The Court noted that article 10 applies to communication via Internet regardless of the type of message that is conveyed and even when the objective of the communication is lucrative Therefore, publishing the photographs on a website dedicated to fashion fell within the exercise of the right to freedom of expression, and convicting applicants amounted to an interference with the Convention. As such, it was illegal, unless this interference was indeed « prescribed by law, » and was « necessary in a democratic society. »

According to the Court, interference was prescribed by French copyright law and France aimed at protecting the right of authors, the fashion houses which presented their collections of new models.

Such an intrusion was also necessary in a democratic society. According to the jurisprudence of the Strasbourg Court, the adjective « necessary, » within the meaning of Article 10 § 2, implies a « pressing social need. » Even though the States have a margin of appreciation in determining the existence of such a need, the European Court of Human Rights has the last word in determining whether a particular restriction is reconcilable with freedom of expression as protected by Article 10.

Even if the States have a wider margin of appreciation when regulating commercial freedom of expression, the Court takes into account that such expression may also be the way an individual participates in a debate of general interest. However, in this case, by putting fashion photographs online for the public to see, the applicants had not participated in a debate of general interest, and thus article France had not violated 10 of the European Convention of Human Rights.